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Les menaces terroristes dans l'Union europ�enne


Les menaces terroristes dans l'Union européenne

par J.L. Marret, Fondation pour la recherche stratégique, Paris

Altermondialisation, extrême gauche et terrorisme :

Il émergera peut-être de cette mouvance, par ailleurs pétrie de pacifisme, quelques individus radicaux qui basculeront dans le terrorisme. Il y a d'ores et déjà de nombreux liens matériels et intellectuels avec l'extrême gauche activiste des années 60 et 70. En Italie, les Brigades rouges entretiennent quelques liens avec cette mouvance. En France la mouvance vieillissante d'Action directe est vue avec sympathie dans certains cénacles. Nous pouvons faire un parallèle entre les campagne de lettres piégées en Italie avec les premières actions de la Rote Armee Fraktion en Allemagne ou d'Action directe en France : dans les deux cas, cela a commencé par de petites actions (type incendie ou occupation de locaux). Il y a à l'heure actuelle un romantisme générationnel altermondialiste en Europe et en Amérique du nord qui pourrait marginalement produire un jour des organisations ayant recours aux techniques du terrorisme et qui pourrait un jour s'en prendre à des cibles spécifiques : patrons d'entreprise, syndicalistes patronaux, etc. tout comme dans les années 70.

ETA :

Le 5 février 2004, José Antonio Zurutuza Sarasola, 41 ans, interpellé mercredi à Hendaye (Pyrénées-Atlantiques) en application d'un mandat d'arrêt international délivré par Madrid, a été incarcéré mercredi soir à Pau. Il devrait y rester en attendant que les conditions d'une éventuelle extradition soient examinées. Possédant la double nationalité, Zurutuza Sarasola, qui dirige l'entreprise d'import-export Olabe Distributions, a été interpellé par la police judiciaire de Bayonne sur commission rogatoire du juge parisien Laurence Le Vert.

Il est soupçonné d'être un militant de l'organisation séparatiste basque ETA et d'avoir été impliqué dans plusieurs assassinats, notamment d'un garde civil à Tolosa et d'un directeur d'entreprise et d'un policier à San Sebastian.

Il faut dire que la coopération franco-espagnole fonctionne plutôt bien, je crois. Vu de France, il y a un dispositif dans le sud-ouest du pays entièrement orienté sur le nationalisme basque (à la fois policier et gendarme). Des problèmes subsistent : en particulier, le trop grand nombre de dépôts d'explosifs en France, au regard de ce qui existe en Espagne. Dans le cadre des liens USA-Espagne, en particulier touchant la guerre contre l'Irak, l'apport des Etats-Unis en capacité de renseignement électronique a aussi été pour l'Espagne un grand progrès.

L'organisation séparatiste basque ETA s'est déclarée prête la semaine dernière à ouvrir des pourparlers avec le gouvernement espagnol pour mettre fin à trois décennies de lutte armée. En soit, que ce soit réel ou déclaratoire, comme semble le considérer le gouvernement espagnol, je pense que c'est un indice de difficultés certaines de cette organisation. Ceci étant dit, il y a des raisons structurelles de production de militants nationalistes basques. Une stricte approche sécuritaire antiterroriste est évidemment nécessaire. Mais on peut se demander si c'est suffisant. En tant que Français, cela me fait penser à la situation en Corse, mais évidemment en beaucoup plus sérieux et dangereux.

En fait la principale menace qui frappe l'Union européenne à l'heure actuelle est certainement le jihadisme transnational. Je souhaiterais dire diverses choses sur cette question :

  • D'abord, il y a diverses manières de présenter cette réalité. Loin d'être une conspiration centralisée, la menace jihadiste est largement plus complexe que le label « Al Qaida » utilisé parfois de l'autre côté de l'Atlantique ou les médias : « Al Qaida » est un label qui permet de simplifier la réalité pour globaliser l'adversaire et mobiliser les citoyens.

Or, il y a de nombreux courants dans l'islamisme radical qui nous préoccupe :

  • Le salafisme
  • Le califisme (Hizb ut-Tahrir)
  • Le takfir

La menace elle-même désormais très diffuse puisqu'elle provient non seulement d'individus dépendant directement de cette structure informelle d'opportunité qu'est « Al Qaida », mais aussi de membres d'organisations islamistes radicales à travers le monde engagées dans des problématiques locales et d'hommes seuls se lançant quasiment à titre personnel dans un « jihad » fantasmatique. Cette dernière tendance est au demeurant préoccupante. Elle renvoie à l'idée que dans certains cercles infimes de population, la solidarité active voire combattante avec des populations musulmanes à travers le monde est non seulement un devoir, mais aussi gratifiante socialement. Toutes choses égales, cela rappelle un peu les déshérences de militants déçus par mai 68 qui créèrent Rote Armee Fraktion, les Brigades rouges ou Action directe. En ce sens, l'entrée dans le jihadisme est un phénomène générationnel, presque une mode si l'on veut.

En revanche, il y a malheureusement des raisons structurelles et durables à cette violence qui sont préoccupantes : or une stricte approche sécuritaire de l'antiterrorisme ne se préoccupe pas du long terme. Une note de D.Rumsfeld a d'ailleurs souligné à juste titre voici quelques semaines que l'action des Etats-Unis produisait plus de jihadistes à travers le monde qu'elle n'en arrêtait. L'origine sociale de cette violence est complexe en ce sens qu'elle ne peut être réduite à quelques facteurs globaux. La pauvreté est ainsi une explication nécessaire mais insuffisante. En Egypte par exemple, l'islamisme radical puise une bonne partie de ces militants dans les classes moyennes. Aux Philippines, la violence trouve ses racines dans le sort fait aux minorités musulmanes du Mindanao, quand pour simplifier elle fermente au Maroc dans les bidonvilles peuplés de populations illettrées. En Algérie enfin, elle se développa dans les cités où des jeunes gens au chômage - des trabendistes - étaient récupérés par des militants salafistes revenus d'Afghanistan ou par des ONG wahhabites.

Nous n'avons pas besoin d'importer des jihadistes : En Europe et aux Etats-Unis, nous les « fabriquons » localement. Cette fabrication est représentative des origines des populations musulmanes migrantes et des spécificités de l'islam local. Les Etats-Unis ont ainsi depuis deux ans régulièrement démantelé des cellules opérationnelles américano-pakistanaises ou américano-yéménites, sans parler des Afro-américains ou des convertis. En Europe, le groupe salafiste de prédication et de combat (GSPC) ou les groupes islamiques armés (GIA) sont désormais en déclin. Dans tous les cas, la production de jihadistes est devenue beaucoup plus spontanée et diffuse. Elle se fait en revanche selon un mode connu depuis le début des années 90 :

  • Le facilitateur
  • La conversion dans les prisons
  • Le microfinancement (liens avec banditisme, drogue, faux papiers, trafic de fausse marque, voitures volées), etc.

Entre maillage sécuritaire antiterrorisme individuel et maillage de développement de quartiers, une approche systématiquement combinée est possible. Certaines choses existent certes : La coopération technique allemande a initié des projets de développement avec une orientation de prévention des crises qui tentent de cibler les population les plus jeunes des zones les plus pauvres dans le Maghreb, celles qui peuvent réagir le plus violemment à des problèmes structurels. Elle soutient encore la réintégration dans l'emploi d'islamistes et de mineurs prisonniers. Mais comment réduire l'expansion de l'islamisme radical et du jihadisme à travers le monde ? C'est un problème auquel nous allons faire face à mon avis pendant des décennies. Il n'y a pas de solution simple et globale. Au contraire, l'humilité devrait toujours prévaloir et résoudre la crise culturelle de l'islam contemporain peut seulement être fait par les musulmans eux-mêmes. La « bonne gouvernance » est un concept occidental trop souvent promu de façon superficielle. Elle a des avantages certains : l'équité, une corruption amoindrie, la prise en compte des vues des minorités. En ce sens, elle peut être utile pour orienter les efforts de développement. Mais un réelle changement doit probablement venir de l'intérieur même des sociétés arabo-musulmanes. Nous ne pouvons que l'accompagner. Au moins devrions-nous systématiquement penser aux conséquences de nos actes : « Est-ce  que notre politique va nourrir la colères des jeunes musulmans ? ». Et considérer que la lutte contre le jihadisme exige une présence sur le terrain : pas avec des satellites ou 500 chars, mais avec des policiers, des gendarmes et des travailleurs sociaux et humanitaires. Je pense que l'Union européenne est l'acteur international principal pour faire cela.


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